Brève histoire du temps scolaire
Par GEORGES FOTINOS Docteur ès géographie, ancien responsable du dossier Rythmes scolaires au Ministère de l’Education Nationale
Pour les ministres de l’Education nationale, le dossier des rythmes scolaires est généralement considéré à hauts risques, un véritable «cactus». Cela est essentiellement dû au choix épineux de la répartition annuelle du temps scolaire, et non pas tant, comme certaines polémiques récentes pourraient le laisser croire, à la durée et à la répartition des temps de classe, quotidiens et hebdomadaires. En effet «toucher» au calendrier scolaire, c’est inéluctablement remettre en jeu les équilibres de vie et, par certains côtés, de travail d’une grande partie de la population. C’est provoquer des changements sur des pans entiers de l’économie, le tourisme et le transport mais aussi le secteur des services, la culture, le sport… C’est enfin modifier les rythmes de travail de plus de 12 millions d’élèves et de près d’un million de personnels.
Le débat public sur les rythmes scolaires et les vacances d’été est désormais lancé avec la décision du ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, de convoquer une conférence sur le sujet en juin. L’issue repose sur les réponses à deux questions : quels sont les objectifs prioritaires et comment atteindre le «compromis national» nécessaire sur le sujet ? Il faut d’abord rappeler deux faits importants. Depuis la création de l’école de Jules Ferry jusqu’au début des années 1980, les modifications des rythmes scolaires n’ont quasiment concerné que le calendrier scolaire annuel. Les changements opérés l’ont été pour des raisons d’ordre social, économique ou politique.
Nos recherches nous ont amenés à distinguer quatre périodes, concernant les modifications du calendrier scolaire. Il en ressort une très grande diversité, temporelle et géographique. La première - que j’appellerai la période «sociopolitique» - va de 1882 à 1922 et couvre l’implantation de l’école laïque gratuite et obligatoire. Les vacances d’été sont alors courtes, différentes selon les niveaux d’enseignement et même facultatives pour les écoles maternelles. La décision est prise au niveau du préfet. La deuxième période - «socio-économique» - court de 1922 à 1961 : les vacances d’été sont rallongées pour les besoins du monde rural et les congés payés des ouvriers. C’est le ministre qui en fixe les dates, les mêmes pour tous les niveaux. Des essais de «zonage» et de dates de rentrée différentes sont menés. La troisième période - «économique» - va de 1961 à 1980 : des zones sont créées pour les vacances d’hiver, de printemps et d’été. La durée des petites vacances et le nombre de zones fluctuent régulièrement. Les congés d’été comprennent toujours juillet et août. La quatrième période, actuelle, débute en 1980. Le gouvernement décide d’abord de déléguer aux recteurs la fixation du calendrier. De facto, 28 zones [correspondant aux académies, ndlr] sont créées. Les vacances d’été pourront s’étaler entre le 15 juin et le 1er octobre, et ne pourront excéder onze semaines. Mais devant l’échec de cette organisation, le ministre en revient à un calendrier national unique qu’il fixe.
Simultanément, en 1980, un rapport du Conseil économique et social préconise le découpage de l’année scolaire en périodes égales de travail (de 5 à 7 semaines) entrecoupées de périodes de vacances réparatrices (environ 2 semaines). Ce n’est qu’en 1985 que ce calendrier sera officiellement adopté et appelé le «7/2» (cinq périodes de travail de 7 semaines coupées de quatre périodes de vacances de 2 semaines). Il se termine par deux mois de congés estivaux. Depuis 1992, le modèle 7/2, avec trois zones, est reconduit tous les trois ans avec des aménagements «expérimentaux», afin de permettre une autre organisation de la journée et de la semaine scolaires, mais en raison aussi de ce que l’on appelle la «reconquête» du mois de juin (recul de la date des examens, et de ce fait, de la fin des cours). Il y a nécessité à concevoir le calendrier scolaire comme un outil d’abord au service du bien-être et de la réussite des élèves et des enseignants, mais tenant compte aussi des intérêts économiques, sociaux et familiaux.
Nous ne pensons pas que cela soit du domaine de l’utopie. Notre pratique du dossier nous incite à penser que nous sommes bien dans le domaine du possible. Les enquêtes nationales menées auprès des personnels de direction et des collégiens (1) sur la diminution des vacances d’été afin de mieux répartir la charge de travail quotidien et hebdomadaire montrent un accord majoritaire sur ce changement, et participent à cet optimisme raisonné. Posons d’abord la condition essentielle à la construction d’un nouveau calendrier. Il faut le considérer comme partie d’un tout, appelé «rythmes scolaires» et étroitement lié à l’organisation de la journée et de la semaine de classe. Il repose sur le constat du développement de la fatigue, de l’agressivité, de la violence des élèves, et des risques psychosociaux auxquels sont de plus en plus exposés les personnels.
Pour remédier à cette situation, l’allégement de la journée de travail et l’étalement de la semaine, grâce à un raccourcissement des vacances d’été, apparaît comme la meilleure des solutions possibles, voire la seule. Deux modifications nous semblent a priori souhaitables. Il faut tenir compte d’une difficulté relativement nouvelle : une forte fatigue des élèves et des enseignants à la fin de la première période de travail (en septembre-octobre). Cela justifie la demande que les vacances de la Toussaint durent deux semaines. La seconde modification serait de reporter la fin d’année scolaire d’une à deux semaines. Dans cette hypothèse, une nouvelle période de repos en mai, coupant la longue période de travail (10 à 12 semaines), s’avérerait profitable. Cette «coupure» a déjà existé. La solution aurait en outre l’avantage d’intégrer quelques ponts de mai et d’aller dans le sens des vacances courtes souhaitées par les Français.
(1) Le Climat dans les lycées et collèges (MGEN-Casden-FAS, 2005) ; le Climat des écoles primaires (MGEN-Maif, 2006) ; les Collégiens et le temps scolaire (Okapi, 2007).